Originaires d’Afrique de l’Ouest, notamment de la Côte d’Ivoire et du Bénin, les cyberescrocs appelés “brouteurs” tirent parti du développement rapide d’Internet pour perpétrer leurs escroqueries. Experte en histoire à l’Université d’Angers et auteure du livre “L’arnaque nigériane : spam, rapports postcoloniaux et banditisme social”, Nahema Hanafi décrypte le phénomène des brouteurs et leur adaptation aux nouvelles technologies.
Historique des brouteurs et contexte socioculturel
S’appuyant sur ses recherches, Nahema Hanafi nous apprend que les premières traces de ce type d’arnaque remontent au Nigeria dans les années 1970. À cette époque, les brouteurs se limitaient principalement à envoyer des courriers frauduleux par la poste. La démocratisation d’Internet a grandement contribué à l’expansion de leur activité, qui s’est étendue à d’autres pays d’Afrique de l’Ouest comme le Bénin et la Côte d’Ivoire. Ainsi, inquiétées par les risques croissants de criminalité cybernétique, les autorités locales ont pris plusieurs mesures législatives à partir de 2010 pour lutter contre ces escroqueries.
Les brouteurs sont majoritairement des jeunes hommes âgés de 13 à 25 ans, issus de milieux défavorisés et faisant face à une forte précarité économique. Leurs compétences en français écrit et parlé leur permettent de mener à bien leurs arnaques en ligne, souvent via des cybercafés puisqu’ils n’ont généralement pas les moyens d’avoir leur propre ordinateur ou connexion Internet stable.
Broutage : un secteur informel parmi tant d’autres
Aux yeux des autorités françaises, le phénomène des brouteurs est inquiétant et appelle à renforcer la coopération internationale pour y mettre un terme. Toutefois, la réalité locale est plus nuancée. En effet, Nahema Hanafi souligne que ces escroqueries constituent une source de revenus non négligeable pour les brouteurs, dans un contexte où 80 % de la population jeune ivoirienne se trouve engagée dans des emplois informels. Aussi, les efforts des autorités locales pour lutter contre ces pratiques restent modérés, et les priorités demeurent ailleurs.
L’évolution constante des cyberescroqueries et le rôle de l’intelligence artificielle
Les pratiques des brouteurs évoluent sans cesse en fonction des technologies disponibles, ce qui rend leur détection d’autant plus difficile. Pour le capitaine Sylvain James, spécialiste en sécurité informatique, l’avenir des brouteurs passe notamment par l’intelligence artificielle (IA). Les algorithmes puissants peuvent ainsi faciliter la perpétration des escroqueries sur diverses plateformes numériques.
Nahema Hanafi partage cet avis : “Le défi, à terme, consistera à comprendre comment ils font et à détecter si les contenus auxquels nous sommes confrontés sont générés ou non par l’IA“. Les autorités devront donc redoubler de vigilance pour s’adapter aux avancées technologiques employées par les brouteurs.
Comment réagir face aux arnaques en ligne ?
Même si le travail des autorités internationales ne cesse d’évoluer pour combattre ces escroqueries, il est important de rester vigilant. Voici quelques conseils pour se protéger contre les brouteurs :
- Méfiez-vous des propositions trop alléchantes ou suspectes.
- Évitez de partager vos informations personnelles ou bancaires avec des inconnus.
- Assurez-vous de la fiabilité des sites web sur lesquels vous effectuez des transactions.
- Renseignez-vous sur votre interlocuteur avant de lui faire confiance.
Si vous êtes victime d’une arnaque, il est possible de porter plainte directement depuis chez vous via la plateforme Thésée. Cette dernière permet de signaler une fraude en ligne et d’être mis en relation avec les services compétents.
En définitive, les brouteurs présentent un visage complexe de l’arnaque en ligne contemporaine, en plein essor dans un contexte africain particulier. Pour contrer ce phénomène, il est essentiel de s’informer, de prendre des précautions et de coopérer avec les autorités compétentes au niveau national et international.
